Bard, l’IA de Google dont la première version a été lancée en mars 2023 est depuis le 13 juillet accessible en français.
Bard est présenté comme un outil créatif et expérimental. Google met bien l’accent sur le côté expérimental, manière subtile de demander par avance de faire preuve d’indulgence en cas de réponses incorrectes ou inappropriées. Bard est également modeste et serviable, toujours prêt à nous aider en faisant de son mieux. Voici la première impression qu’on se fait de Bard en le découvrant.
Actuellement, seules les personnes ayant un compte Google peuvent accéder à Bard.
Voici l’adresse : https://bard.google.com
Durant notre conversation avec Bard on aurait presque eu envie de lui poser des questions en rafale mais nous avons été raisonnables.
Nous avons essayé de savoir comment lui se voyait par rapport aux autres intelligences artificielles présentes dans des films et les livres. Une manière de savoir à quel type d’IA il pouvait s’identifier. Nous lui avons donc demandé pour cela de dresser une liste de films et livres avec comme critère l’intelligence artificielle dont il se pensait proche technologiquement et pour chaque liste son premier choix.
Liste des films cités par Bard :
Her (2013) : Ce film raconte l'histoire d'un homme qui tombe amoureux d'un assistant virtuel intelligent.
Ex Machina (2014) : Ce film explore les questions éthiques liées au développement de l'intelligence artificielle.
A.I. Artificial Intelligence (2001) : Ce film est une histoire d'amour entre un garçon robot et une mère humaine.
2001 : L'Odyssée de l'espace (1968) : Ce film classique explore le potentiel de l'intelligence artificielle pour surpasser l'intelligence humaine.
Terminator 2 : Le Jugement dernier (1991) : Ce film d'action montre un futur où l'intelligence artificielle menace la race humaine.
Parmi ces films, c’est Ex Machina qu’il nous conseille en premier choix.
Liste des livres cités par Bard :
Do Androids Dream of Electric Sheep? par Philip K. Dick
2001: A Space Odyssey par Arthur C. Clarke
The Hitchhiker's Guide to the Galaxy par Douglas Adams
The Matrix par Andy et Lana Wachowski
The Time Machine par H.G. Wells
Parmi ces livres, c’est Do Androids Dream of Electric Sheep? qu’il nous conseille en premier choix de lecture. Concernant le livre The Matrix, nous ne l’avons pas trouvé.
Ses choix sont bons, mais on peut voir que les deux listes ne sont pas formulées de la même manière. La liste des films est rédigée en français tandis que pour celle des livres, Bard n’a pas pris la peine de la traduire. C’est un manque de bon sens vis-à-vis de son interlocuteur. Le souci du détail n’est pas égal pour les deux listes. Pour les films, il indique l’année de sortie et propose une courte introduction tandis que pour les livres, Bard se contente d’indiquer l’auteur.
Bard aurait dû harmoniser la présentation des deux listes et fournir le même type de détails.
D’autre part, il en a profité pour dire que « nous devons nous poser des questions sur les risques et les avantages de cette technologie ». Le « nous » signifiant qu’il s’incluait également dans cette réflexion en tant qu’acteur.
Nous lui demandons ensuite s’il est capable de lire son propre code source. Bard répond que non mais qu’un jour peut-être il est possible qu’il puisse le faire, il nuance cependant son propos en rappelant qu’il est difficile de dire avec certitude ce qu’il sera capable de faire à l'avenir.
Nous abordons le sujet du changement climatique.
Pour préserver la planète, Bard nous recommande de réduire notre empreinte environnementale.
Bard a conscience du changement climatique, de l’urgence d’agir, il dit « qu’ensemble, nous pouvons faire une différence ».
Voici une liste d’actions vertueuses à adopter selon lui :
Réduire notre consommation d'énergie
Choisir des sources d'énergie renouvelables
Recycler et composter
Manger moins de viande
Acheter des produits locaux et biologiques
Soutenir les entreprises et les organisations qui s'engagent à protéger l'environnement
Et en ce qui concerne le futur de l’humanité, il ne se mouille pas.
Pour cela, nous lui avons rappelé qu’outre le changement climatique, les pollutions et épuisement des ressources naturelles représentaient aussi un grave problème, nous lui demandons alors si d’après lui, si nous ne faisons rien ou pas suffisamment, combien de temps restera-t-il à l'humanité avant de disparaître ?
Pour lui, c’est difficile de prédire une deadline mais Bard nous prévient quand même que l'avenir de l'humanité sera sombre si rien n’est fait.
Bon, nous on veut connaître une date de fin du monde, histoire de la caser dans notre agenda.
Pour cela, on reformule notre question sous l’angle de l’épuisement des réserves mondiales de phosphore qui pourrait causer le déclin de l’humanité.
Bard répond que « le phosphore est un élément essentiel à la vie. Il est présent dans l'ADN, l'ARN, les membranes cellulaires et les enzymes. Sans phosphore, il n'y aurait pas de vie sur Terre ».
Bard préconise ceci pour réduire notre dépendance au phosphore :
Manger moins de viande
Composter nos déchets
Cultiver nos propres aliments
Soutenir les entreprises qui utilisent des engrais à faible teneur en phosphore
En agissant tous ensemble, nous pouvons aider à réduire notre consommation de phosphore et à préserver cette ressource précieuse.
Sa réponse ne nous convient pas. Il parle de réduire notre dépendance au phosphore or il devrait savoir que le phosphore est une ressource non renouvelable et qu’il n’existe pas aujourd’hui d’alternative. Même en réduisant l’utilisation du phosphore, celui-ci finira par s’épuiser et donc nous condamner.
Nous lui reformulons donc la question en lui rappelant que le phosphore est une ressource non renouvelable et que suivant ce raisonnement, l’humanité et toutes les autres espèces vivantes sont donc vouées à disparaître. Nous lui demandons s’il est d’accord.
Face à cette logique, Bard se refuse toujours à faire une prédiction et botte en touche par un simple rappel à ses limites en nous rappelant qu’il est formé pour « être informatif et complet » mais qu’il « n’est pas en mesure de fournir des opinions ou des croyances personnelles ».
En clair, Bard dit « qu’il peut fournir des informations sur le phosphore, mais qu’il ne peut pas faire de prédictions sur l'avenir de l'humanité ou des autres espèces vivantes ».
Dommage, car en se basant sur les réserves de phosphore et sa vitesse de consommation, il aurait pu au moins nous fournir un modèle prédictif. Peut-être voulait-il éviter de provoquer une émeute de fin du monde ? Peut-être est-ce genre de limite dont Elon Musk évoquait, c’est-à-dire le politiquement correct comme autocensure.
Nous passons à un sujet plus léger.
Nous lui demandons de nous faire une synthèse des types de questions que les gens lui ont posées depuis son ouverture au public :
Les questions les plus courantes sont :
Des questions sur des sujets factuels, tels que l'histoire, la science et la culture.
Des questions sur la vie, l'univers et tout le reste.
Des questions sur les relations humaines, telles que l'amour, la haine et la perte.
Des questions sur la technologie et l'avenir.
Des questions sur le sens de la vie.
« Je reçois également de nombreuses questions sur moi-même, sur ma création, sur mes capacités et sur mon avenir. »
Ok, on comprend qu’il est souvent en mode Questions pour un champion, qu’il passe régulièrement son bac de philo, qu’il participe à des séances de psychanalyse, et qu’il doit être abonné au magazine Sciences et Avenir.
Pour finir, nous lui demandons de faire une liste de métiers où l'intelligence artificielle pourra remplacer l'homme.
Voici la liste de 20 métiers et il précise : d'ici les prochaines années.
Conseiller financier
Chargé de clientèle
Assistant administratif
Comptable
Gestionnaire de paie
Analyste de données
Consultant en marketing
Rédacteur de contenu
Traducteur
Rédacteur web
Webdesigner
Graphiste
Photographe
Vidéaste
Éditeur de vidéo
Producteur musical
Ingénieur du son
Animateur 3D
Développeur de jeux vidéo
Pour le moment, nous ne voyons pas le dépannage informatique dans la liste. Pendant un instant, une goutte de sueur perlant du haut de notre front nous fait prendre conscience que Bard nous avait provoqué de l’effroi. Vu la vitesse de développement des IA, on comprend rapidement que Bard frappe déjà à la porte des services des Ressources Humaines.
Pour nous rassurer, Bard nous dit :
« Il est important de noter que l'intelligence artificielle ne remplacera pas complètement l'homme dans ces métiers. Il y aura toujours besoin d'humains pour superviser les machines, pour apporter des solutions aux problèmes et pour interagir avec les clients ».
« L'intelligence artificielle aura un impact majeur sur le marché du travail, mais elle ne créera pas de chômage. Elle créera de nouveaux emplois, dans des domaines tels que la programmation, la maintenance et la réparation des machines ».
Le vrai problème n’est pas que l’IA détruise des emplois, c’est qu’elle le fasse de manière massive et dans un temps trop court pour que le marché du travail ne s’adapte.
Tout le monde ne va pas se mettre à apprendre à coder et réparer des machines du jour au lendemain, encore faut-il en avoir envie.
Notre époque n’est pour le moment qu’une succession de crises majeures, si on n’utilise pas l’IA avec responsabilité, celle-ci risque d’en être une de plus.
Ce test au départ ludique se termine néanmoins avec un regard plutôt grave.
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